Back again

Il n'aura pas attendu longtemps, avant d'y refoutre les pieds. De son plein gré, une nouvelle fois. A l'entrée, il avait hésité. Faire demi-tour lui semblait bien plus facile qu'une nouvelle crise de vomissements. Il s'était demandé si c'était une si bonne idée que ça, s'il ne valait mieux pas, parfois, ignorer certaines choses dans sa vie et voir ce que l'avenir nous réserve.

Mais pourtant, le voilà, paquet de mentholées dans la poche, avec le reste du bordel habituel qu'il se trimballe. Le voilà à déambuler dans la fête foraine, à plisser du nez à nouveau devant les odeurs graisseuses et nauséabondes, de se faufiler entre deux groupes qui rigolent à pleine gorge, comme si personne n'était mort un peu plus loin, quelques jours plus tôt. Une fois ou deux, il s'arrête, demande à un·e forain·e s'iel peut lui indiquer l'endroit où il pourrait trouver Menthol, paré·e de couleurs criardes, accusant ses cigarettes quand iels se retrouveraient en mauvais état.

Quelques détours parce que tout se ressemble, maugréera-t-il et le voilà devant le lieu indiqué. Judd y entre et sourit quand il le·a voit. "Ah. En vie, alors" salue-t-il avant de prendre place face à le·a Zoltar et de lui glisser le paquet qu'il a été chercher pour l'occasion. " 'devraient pas foutre la gerbe, celles-ci. "

@Gideon Crowe

En face, le visage au teint cireux se décompose, les épaules s'affaissent et le sourire rempli de dents gâtées s'efface. L'homme n'a plus l'air si jouasse et il retire vite sa main de celle de Gideon qui le regarde gravement, yeux emplis de compassion. "J'aimerai bien pouvoir annonce que de bonnes nouvelles" qu'iel souffle, comme empreint du devoir de vérité. Au gars de décider s'il croit les oracles ou pas mais sa femme plantée derrière lui semble déjà se préparer à la maladie qui rôde. Sous les cheveux décolorés, ça sourit une dernière fois, récupérant les cartes exposées face aux clients. Ils sortent en temps record, heureusement qu'iel fait payer avant.

Gideon se laisse aller contre le dossier de son fauteuil et les yeux un rien cernés vagabondent un instant entre les bibelots de la caravane et les volutes de fumées d'encens avant de se perdre dans le vide. Iel sent encore le goût sang-vomi sur sa langue, se revoit plié.e en deux dans la masure de Miracle. Au moins, iel s'en est relevé.e, d'autres non pas eu cette chance (mais c'était le shérif local et sa famille, un moindre mal(les forces de l'ordre n'ont jamais été amies avec les forains). L'oracle s'étire comme un chat avant de reprendre sa posture de mystique : quelqu'un entre et la risette qu'iel arbore devient nettement moins professionnelle. "Je savais qu'on se reverrait !" Iel a checké le portrait des morts pour s'assurer que son inconnu n'y était pas (Gideon non plus d'ailleurs). "En effet, toi aussi tu es devin ?" Clin d'œil, les cartes de tarot toujours dans ses mains sont battues machinalement. Pourtant Gideon n'en tire aucune, lorgne vers son offrande avant de poser de nouveau son regard sur le brun. Le sourire s'agrandit encore. "Désolé.e pour ça, c'était l'hypothèse qui me semblait la plus logique..." Avant qu'iel ne voit que d'autres vomissaient aussi, une intoxication alimentaire généralisée comme on en avait jamais vu. "Mais merci !" Les ongles vernis se battent un instant contre le blister du paquet avant que le bruit du briquet retentisse. Par habitude, une cigarette est tendue au brun. Puis une main. "Gideon, et toi ?"

" Judd " en acceptant d'un signe de tête la cigarette tendue, cette fois et la main, dans une poignée qui se veut ferme. Le paquet neuf est plus acceptable, moins la sensation d'empiéter, sans doute. Ou c'est la sécurité de pouvoir accuser autrui s'il se remettait à vomir ses tripes, là, ici, maintenant. Parce que peut-être que finalement, c'est un contact et une discussion prolongée avec forain·e qui provoque cette réaction. Peut-être qu'il présente une allergie unique et spéciale aux soieries voyantes utilisées.

Première latte qui rappelle à quel point il était tendu, jusqu'à présent, pas totalement certain de son choix. Il n'en avait discuté avec personne, pratiquement sûr d'entendre les sermons avant l'heure. " Devin, alors ? " reprend-il en examinant attentivement l'intérieur de la caravane, observant comme la fumée respective se mêle à celle de l'encens avant de revenir sur le paquet de cartes. Il proposerait bien une belote mais il joue comme un pied et doute, de toute façon, que ce soit leur vocation. " Ça prédit la gastro collective ? "

Sourire espiègle qui s'étend sur les lèvres, le scepticisme qui teinte l'intonation. Parce que s'il lisait un truc pareil aussi facilement, il s'assurerait d'être bien calé dans le fond de son lit, bassine à proximité. Il n'irait pas faire Dieu sait quoi dans une bâtisse montée à la hâte. " Foudroyante et mortelle, en plus " La famille six pieds sous terre, qui doit se retourner dans leurs tombes, s'ils le savaient là, pas très loin de l'endroit qui les a vu périr, à fumer des clopes et bavasser. " Mais pas pour tou·te·s, heureusement "

Judd, un prénom de chanson et une poignée de main style bonhomme. Gideon sourit, n'essaie d'écraser aucun doigt en retour et sort plutôt son briquet - un zippo métallique, le motif gravé dessus a été poli par le temps - pour allumer sa cigarette ainsi que celle de son inconnu plus si inconnu (rien de tel pour casser toute tentative de jouer les mecs virils face à iel). Hochement de tête à la question rhétorique, ça se voit qu'iel n'est pas dans sa caravane pour faire de l'optimisation fiscale (quoiqu'iel pourrait prédire les loopings de la bourse). Un cendrier est poussé au milieu de la table (d'habitude les gens ne sont pas autorisés à ajouter de la fumée au lieu, ça nuit aux messages), les lames continuent d'être battues alors que les yeux clairs sont rivés sur Judd style "je sais déjà tout". Vient la question qui trahit qu'il n'y croit pas et Gideon renvoie la risette en tirant sur sa cigarette, loin de se vexer. Les incrédules finissent toujours par lui manger dans la main (lui a préféré lui vomir sur les pompes mais iel ne lui en veut pas). Iel ort trois cartes de son jeu, les contemple avec un air concentré avant d'annoncer le verdict en secouant la tête. "Peste bubonique pour varier les plaisirs, prévue pour jeudi en huit ! On y survivra de nouveau, le contraire serait tragique." Iel remballe les cartes, ne s'attardant pas à énoncer leur réelles significations (l'arcane sans nom à l'envers, le chariot et l'amoureux). "Mais tu n'es pas venu pour ça, n'est-ce pas ?" Ca désignant les prophéties à la demande (payée) et les interprétations de thèmes astraux. Le regard retourne se ficher dans celui du brun et Gideon n'a plus son air si sûr de soi : pour ses beaux yeux qu'il est revenu ou pour se venger des forains en compagnie de qui il a sans doute passé une soirée pas ouf (on n'est jamais trop prudent).

Les yeux fixés sur l'autre, comme pour une bataille de regard puisque les yeux clairs le fixent également. Peut-être que le but est partagé, qu'iel cherche aussi à interpréter la moindre mimique ou début d'expression comme si c'était porteur de réponse. Peut-être qu'il a passé trop de temps à bouffer des chips premier prix en regardant des séries un peu nazes remplies de profilers qui, soudainement, rien qu'avec la manière dont le suspect agrippait sa clope, étaient capables de déclarer, ou non, l'innocence de l'individu.

Judd, c'est pas tellement la culpabilité, l'aveu ultime qu'il cherche. Déjà parce qu'il serait sans doute incapable d'avoir la certitude que rien n'est teinté de mensonges. Déjà parce qu'il n'est pas certain que des confessions, il doit y en avoir. Il n'a pas compris grand chose, à l'époque. N'y comprend toujours rien.

Il feint l'amusement, s'essaie aussi prophète au ton léger. " Et la pluie de sauterelles le dimanche, non ? " Les cartes sont remballées bien vite à son goût. N'est-iel pas censé·e les laisser trainer, dramaturge, et tapoter dessus d'un ongle vernis d'une couleur presque macabre ? Il manque sans doute le turban, aussi. Mais pas l'interrogation qui pend, comme une épée de Damoclès.

" Non, pas vraiment. T'aurais pu être dompteur·rice de lions, après tout. Et ça serait sans doute moins sympa comme retrouvailles. Pas super envie de me faire bouffer à moitié et devoir annoncer une nouvelle..." Pas tellement tragédie, on lui dirait qu'il l'a bien cherché, à toujours tenter le Diable. " nouvelle à la famille. " Grimace de rigueur. Tourne toujours trop prêt autour de la Mort, Judd. Il aurait dû ramener Camus, ça détend l'atmosphère les rats. Les vrais, pas les humanoïdes. " Plus l'envie " le besoin " de savoir ce qui c'était passé, une fois qu'on s'était perdu·e·s puis retrouvé·e·s puis reperdu·e·s " Du genre, elle a fait quoi, la voleuse de personne, celle qui lui a repris son inconnu·e. " Mais elles disaient quoi, sinon, réellement, tes trois cartes ? " demande-t-il en se penchant vers le cendrier, se penchant vers Gideon, l'autre main venant soutenir le menton pendant qu'il tapote ses cendres histoire d'être poli et pas en foutre partout