(best of both worlds)

10/12/2022, 23:28

C'est grand soir, alors il a mis un soin tout particulier à se préparer. Physiquement, parce que @Flint Hazelwood est toujours élégant, même au travail, et qu'il ne faudrait pas l'embarrasser. Les boucles sont donc attachées, la chemise légère et colorée, les chaussures impeccables. Mais mentalement surtout, alors il a soigneusement passé sa journée à visionner la série des films High School Musical, par tranches de quinze minutes entrecoupées de longues pauses pour ne réfléchir à rien de particulier. Il a essayé de comprendre l'intrigue, au début, avant de renoncer quand il a vérifié qu'on pouvait tout à fait chanter et lancer un ballon en même temps.

Une compote dans la poche pour le petit creux qui suit le troisième verre, une excuse que personne n'a écouté à la maison et le voilà fin prêt, avec ses quinze minutes de retard habituelles. A l'université il a appris à dire que c'était la faute de la circulation, alors il continue de s'en plaindre même quand il a rendez-vous dans le salon. Personne ne fait attention de toute façon. Il a l'habitude d'être invisible Chance, même quand il met tous ses efforts à briller comme un soleil.

C'est un peu pour ça qu'il est si heureux de sortir avec le type de la mairie, parce qu'il l'écoute toujours avec de grands yeux intéressés, qu'il l'écoute assez pour rebondir mais jamais le couper. Alors il pense à bien sourire quand il descend de son vtc pour le rejoindre, pour que Flint sourie aussi. Il trottine même sur les quelques mètres qui le séparent de l'entrée du bar à l'enseigne flambant neuve, comme si la course finale pouvait rattraper le temps qu'il a perdu avec Chad Danforth. Il lui pardonnera sûrement, et sinon il lui ramènera ces post-it aux couleurs pastel qu'on ne trouve que dans la papeterie indépendante. « Flint ! Désolé, je suis en retard, il y avait du monde sur la route, » qu'il s'excuse forcément en le trouvant, le souffle de fumeur dérangés par l'effort minime. « Mais j'ai appris plein de chansons, pour pas faire n'importe quoi. » Nouvelle risette, qui dévoile toutes les dents et fronce les joues. Il est fin prêt.

11/12/2022, 18:05

@Chance Clairborne & Flint

There's not a star in heaven That we can't reach If we're trying. Yeah we're breaking free. Breaking free Were runnin' Ohhhh, climbin' To get to the place To be all that we can be. Now's the time So we're breaking free. You know the world can see us In a way that's different than who we are

Ce n’était un secret pour personne : Flint Hazelwood aimait expérimenter des choses. Dans tous les domaines. Il n’était jamais avare quand il s’agissait de nouvelles expériences et prêt à toutes les sensations. Mais celui de prédilection impliquait incontestablement de l’alcool. Alors si en plus on pouvait y mélanger le chant, sa deuxième passion : on définissait clairement le paradis aux yeux du fonctionnaire. Il avait appris qu’un nouveau bar venait d’offrir et qu’il offrait tous les vendredis soir un karaoké ouvert. Ni une, ni deux, il avait réservé son premier vendredi de disponible. Et ni une, ni deux, il avait adressé un petit message à Chance pour qu’ils s’y retrouvent, connaissant la curiosité et le besoin du gamin de s’ouvrir au monde qui l’entourait. Il l’appréciait ce petit jeune, même si cette façon de parler lui donner l’impression d’avoir approximativement 72 ans. Le regard rêveur et déconnecté de la réalité, le sentiment qu’il était dans son petit monde était quelque chose de précieux à conserver et que Flint avait mis à cœur de protéger à plus d’une occasion. La ligne entre l’inconscience et l’étourderie était fine mais elle pouvait se révéler éminemment dangereuse, surtout dans une ville comme Lafayette. Même si on était loin de Philadelphie ou des quartiers Est de Los Angeles, il n’en demeurait pas moins que l’intolérance avait sa niche en Louisiane. Flint en savait quelque chose et il était hors de question qu’il ne ferme les yeux à son tour. Et il fallait dire que la compagnie du blondinet était agréable, ce qui n’était pas pour lui déplaire loin de là.

La bise glaciale vint claquer sur sa joue, le contraignant à enfoncer son grand nez rouge dans son manteau, se morigénant de ne pas avoir pensé à mettre de bonnet au risque de graisser ses cheveux. Quel était le plus important ? Avoir une coiffure parfaite ou des oreilles en entier ? La réponse était sans appel. Il se replaça une mèche de cheveux, se crispant légèrement en entendant une moto pétarader au loin avant de pousser un soupir de soulagement en voyant son partenaire de la soirée débouler. Aussitôt, ses joues se creusèrent d’un sourire dissimulé dans ses épaules enfoncées et il observa calmement les rues désertes alentour. A chaque fois, il se disait qu’il devait lui proposer une heure de rendez-vous une demi-heure plus tôt mais à chaque fois, il oubliait. Ce n’était de toute manière pas comme s’il était l’être le plus ponctuel du monde. “J’espère que t’as bien révisé. Ils sont spécialisés dans le rock underground des années 70.” mentit-il à la perfection, histoire de le faire paniquer un peu avant de le prendre dans ses bras pour le saluer et se réchauffer un peu. “Viens, ça caille.” l’invita-t-il à rentrer dans l’ambiance chaleureuse du bar où des jeunes femmes avec des serres-têtes en forme de pénis sur la tête improvisaient une chorégraphie sur les Spice Girls. Ça, c’était sa came. “T’as révisé quoi du coup ?” lui demanda-t-il en s’installant à l’une des tables en faisant signe au barman. "Mozart l'opéra rock ? Ca compte pas."

15/12/2022, 00:29

L'effet de la boutade est immédiat, et les joues se crispent, et le regard prend cette teinte paniquée mais résolue de l'animal pris au piège. Non, Chance ne connaît pas le rock underground des années soixante-dix. A vrai dire ce qu'il connaisse de plus underground, c'est se perdre dans le métro new-yorkais - et il a vite préféré se déplacer en taxi. Il se laisse étreindre sans retourner le contact, tendu, presque figé par l'angoisse que crée si facilement la nouvelle abominable. Mais il suit - ce serait ridicule de fuir maintenant. « Je.. » il aura objecté, à voix tout juste audible. Et rien de plus.

L'œil craintif s'écarquille en découvrant les lieux, ses performeuses surtout. Il demanderait bien ce qu'elles portent, sans le naturel avec lequel son ami s'en est détourné. Il n'a pas besoin d'être bien malin pour deviner qu'on se moquerait de lui, et qu'il est sans doute le seul à ne jamais avoir vu autant de bites à la fois. Il préfère ne pas regarder, puisqu'il ne comprend pas.

Il s'assied face au réceptionniste, un peu rigide, les mains posées sur le bord de la table, se surprend à rapidement y tapoter ses bagues au rythme de la chanson massacrée. La question le frôle et lui tourne autour presque un couplet entier avant qu'il ne sursaute, agite ses boucles et hoche la tête avec un sérieux retrouvé. « Zac Efron, » il répond aussi vite que les mots sont enregistrés. « Tu ne connais peut-être pas, il joue dans des vieux films et les chansons ne sont pas très travaillées mais elles sont entraînantes, » poursuit l'analyse avant que son attention ne s'envole encore brièvement, suivant les mouvements du barman qui tarde un peu à cesser de regarder la troupe féminine pour s'approcher d'eux, leur désignant d'un doigt las l'écriteau au-dessus du comptoir où sont affichés les noms des bières, cocktails et "hard".

Et parce qu'ils ne font pas les choses à moitié, ils proposent même des "snacks".

17/12/2022, 14:31

@Chance Clairborne & Flint

There's not a star in heaven That we can't reach If we're trying. Yeah we're breaking free. Breaking free Were runnin' Ohhhh, climbin' To get to the place To be all that we can be. Now's the time So we're breaking free. You know the world can see us In a way that's different than who we are

Il l’aime bien ce gamin qui par certains côtés le renvoie à ses années lycées. Pas forcément les plus heureuses qui soient mais les plus formatrices, celles sans qui il ne serait pas ce qu’il serait aujourd’hui. C’est peut-être pour ça aussi qu’il tente de le protéger en même temps que ne le met en danger. A priori, au regard de leurs origines respectives, ils ne devraient rien à voir l’un avec l’autre. Il a bien conscience que sa compagnie n’est sans doute pas la plus recherchée de Lafayette notamment eu égard aux cercles dans lesquels traîne l’entourage de Chance mais comme il y a 15 ans, Flint Hazelwood n’en a bien que faire. Ceci d’autant plus qu’à défaut d’éviter les ragots, cette commère sans pareille peut les attirer comme le pot de miel attire Winny L’Ourson. “Dans des vieux films.” s’offusque-t-il, ayant l’impression que les pas saccadés de l’enfant chéri de Disney Channel remontaient à 5 ans tout au plus. “Un peu plus de respect pour celui qui a provoqué mon éveil sexuel, non mais dis donc.” plaisante-t-il à moitié, se prenant un sacré coup de vieux au passage. Par réflexe, il se tord le cou pour s’observer dans un miroir ancien, histoire de vérifier qu’aucun cheveu blanc ne vient ternir sa chevelure d’ébène. “Si tu veux je te le laisse sur Gotta go on my own way, je ferai Gabriella avec plaisir.” Il lui adresse un clin d'œil complice. “Même si je suis plus joli qu’elle.”

Tapant du poing sur la table et invectivant le barman patibulaire à quelques pas d’eux, il passe immédiatement commande, histoire que sa gorge ne s’assèche pas : “Deux gin tonic, garçon!” Manifestement, l’employé des lieux n’apprécie guère la façon dont il s’adresse à lui mais Flint ne s’en formalise guère avant de plonger le nez dans le catalogue de chansons. “Tu veux quelque chose à manger également ? Oh, ils ont Chicago et Grease !” Enthousiasmé et ne se dissimulant pas, il frétille de la tête. “C’est le paradis ici ! Allez je lance You’re the one that I want. Tu me suis ?” lui propose-t-il sans vraiment lui laisser le choix. “Tu me raconteras ce que ta famille a fait de beau pour Halloween.” lui propose-t-il avant de se lever pour aller glisser quelques chansons quand la troupe de demoiselles aura la gorge sèche. “Pardon, M’dame!” s’excuse-t-il en manquant de percuter l’une d’entre elle qui se rend aux toilettes. “Il est plutôt sympa ce bar, non ?” demande-t-il en se remettant en place, boissons et snacks sur la table. “Situ mets de côté le proprio. A notre soirée de fun et d’alcool!”

21/12/2022, 01:08

Chance a l'habitude qu'on lui parle, beaucoup, d'écouter chaque mot avec attention, décortiquer les sens et les détacher du bruit ambiant - pour souvent répondre quelque chose comme "oui" après une éternité. On remarque sa concentration aux battements de ses paupières, au sourire qui se fige sans jamais disparaître, aux doigts qui tapotent le bord de la table sur des rythmes qui échappent aux autres. Comme un vieux moteur il peine à démarrer, il faut attendre le pic d'énergie ou l'épiphanie pour qu'il s'agite et déblatère à son tour, le débit sans plus rien à envier à celui de sa cousine.

Il ne laisse filer aucun des mots de son ami, leur accorde hochements de tête intenses et révérencieux, ne s'oppose pas au choix musical, le laisse partir et revenir sans rien avoir répondu de plus complexe que des "ouais" et "carrément". « J'aime bien les vieux, » il finit par lâcher (se justifier ?) après une éternité. C'est si sérieux qu'il en oublie de sourire. Et puis ses yeux s'arrondissent et il se fige un instant en réalisant que Flint parlait maintenant du propriétaire. Un rire nerveux, comme pour signifier une blague un peu ratée. « .. Ouais ! La musique est un peu saturée, mais, euh.. » Panique dans les mirettes. Il est trop mauvais en escalade pour se rattraper aux branches cassées.

Alors il baisse le nez et fouille ses poches à la recherche de son portefeuille, le laisse tomber, plonge sous la table pour le rattraper. Il en ressort les joues chaudes mais l'objet dans sa main victorieuse, un sourire gêné en prime. « Je t'invite, » il l'informe un peu trop rapidement, en extirpant un billet pour le tendre au barman qui revient avec leurs consommations. « Et je suis sûr qu'il est très gentil, il doit juste faire la tête parce qu'il travaille, Pilou m'a dit une fois que les gens sont souvent de mauvaise humeur quand leur travail est ennuyeux, » il continue, baissant la voix cette fois pour ne pas s'attirer les foudres de l'intéressé, allant jusqu'à disparaître derrière son verre pour répondre au toast du réceptionniste.

31/12/2022, 14:50

“C’est pour ça que tu sors avec moi ?” répondit-il de manière suave, se penchant vers lui pour poser son menton sur sa main en haussant des sourcils de manière exagérée. “Parce que t’aimes les vieux ?” La tension sexuelle que le jeune homme (oui, oui même après trente ans on reste jeune, non mais dis donc) s’amusait à construire chaque fois qu’il était en présence d’un être humain possédant un orifice qui l’intéressait retomba comme un soufflet quand il éclata de rire avant d’adresser un clin d’oeil à Chance, bien trop doux pour ce monde. Il arrivait même à Flint de se demander comment cet enfant de la lune, à force d’y être, était parvenu jusqu’à son âge sans décéder entre-temps. Mais il était ravi de constater que, contrairement à lui, les années passées n’avaient pas offert de cicatrices indélébiles sur sa peau de lait autant que sur son âme. Il était dans sa bulle sans misère, sans poison dans l’air, sans personne pour le blesser puisqu’il n’y avait que lui. Il avait la féroce envie de le protéger comme on protège un oiseau tombé du nid. Tout comme il avait envie de le voir rougir, bégayer et se perdre. Comme un grand frère qu’il n’avait jamais eu, il ne pouvait s’empêcher de le titiller pour voir jusqu’où il pouvait aller, jusqu’où il pourrait l’aider à se développer et s’ouvrir au monde qui attendait de pouvoir lui ouvrir les bras. Et le réceptionner, pas de Shy'm pour Chance comme on disait dans le business.

Alors qu’il s’apprêtait à sortir son porte-monnaie, duquel s’échappait des mites et le jeton pour le casier de la piscine, il ne se fit pas prier pour se faire inviter par l’éphèbe avant de jeter un coup d’oeil circulaire et discret sur la mine patibulaire du barman. Il fronça les sourcils en l’observant fixer du regard sans la lâcher une des jeunes femmes passablement éméchées et qui commençait à tousser de manière un peu trop grasse, un peu trop liquide. “Merci. Je paie la prochaine alors!” Il leva le verre pour trinquer et laissa le liquide venir glisser sa brûlure dans sa gorge avant d’éclater de rire. “Pilou t’a dit ça ?” Il fit mine de réfléchir en repensant aux filles de la compta. C’était ennuyeux leur job mais elles n’étaient jamais de mauvaise humeur avec lui. Il faut dire qu’il était leur rayon de soleil. C’était pas lui qui le disait, c’était tout le monde. “C’est pas ennuyeux d’avoir un bar. Ça doit même être génial en fait.” réfléchit-il à haute voix pour le malheur de son interlocuteur. “Alcool à volonté, tu peux serrer toutes les minettes et les minets que tu veux, tu récupères tous les potins des gens bourrés, y compris les vieux secrets de famille. Genre …” Il réfléchit pour trouver un secret de famille mais ne parvenait pas à en trouver un précis.

Le bruit d’une porte qui claque dans le fond de la salle lui fit revenir dans l’instant présent et il jeta un coup d'œil autour d’eux. Le barman n’était plus à son bar. Il posa son regard sur le groupe de jeunes filles en furie dont le nombre avait diminué sans qu’aucune ne passe à côté d’eux et sans que la porte d’entrée n’ait tinté. “C’est bizarre.” souffla-t-il avant de revenir vers Chance, claquant des doigts. “Je sais ce que je vais mettre.” Il tapota sur l’application pour lancer sur le karaoké I wasn’t me de Shaggy, invitant son compagnon à le rejoindre.

5/1/2023, 16:17

La gorgée de gin lui redonne un semblant de contenance et à la question il hoche grand la tête, lèvres maintenant étirées en un sourire immense, presque brûlant tant il est solaire. Parce qu'il aime la compagnie des grandes personnes, il aime entendre rire les adultes supposés si sérieux, les voir écouter ses histoires ou ses doutes avec tout l'intérêt du monde. Il se sent plus important qu'à les raconter à des adolescents de son âge.
Même si Flint lui ressemble plus que la plupart des adultes, qu'il a l'air perdu entre les deux époques. Il paye ses propres impôts et ça le place dans l'autre catégorie.

Mais il faut encore réfléchir annonce la mine du brun, cette fois quant à l'intérêt de posséder son propre bar. Chance n'est pas certain que travailler puisse jamais être amusant, mais ses journées sont si lourdes d'ennui qu'il en vient parfois à envier les autres. Et dans un endroit comme celui-là ? La tête dorée penche de côté, les doigts viennent tapoter le bord du verre doucement. Faire la fête toute la soirée et prétendre que c'est un métier ? Ecouter les centaines de récits d'habitués ou de gens de passage, assez saouls pour s'épancher sur le barman, qui n'a plus qu'à hocher la tête et voyager avec eux en pensée. « Je devrais peut-être m'acheter un bar alors, » il remarque en le suivant. « Ce serait un drôle de moyen de passer le temps. » Un que son père n'apprécierait pas.
Et donc, une idée à privilégier.

Les premières notes résonnent et le blond plisse les paupières, se penche pour apercevoir le nom sur l'écran couvert de sucre incrusté. « T'as encore mis un vieux truc de ton époque ? J'ai jamais entendu ça, » il rit doucement, remuant la tête en rythme avec naturel, se plaçant de sorte à ne pas perdre de vue les paroles défilantes, trop absorbé par la musique et les réflexions intenses pour payer attention au défilée des clientes alcoolisées.

31/1/2023, 12:00

Il ne peut s’empêcher d’éclater de rire aux pensées exprimées par son compagnon de soirée. Si seulement il avait suffisamment de moyens pour se permettre d’indiquer qu’il pouvait s’acheter un bar. Autre que la gamme Nordviken de chez Ikea. “Et tu aurais en moi ton client le plus régulier.” l’encouragea-t-il, posant sa main sur le haut de son dos dans un esprit de franche camaraderie. Plus d’une décennie les sépare et pourtant, c’est comme si ces années n’existaient pas. Qu’il aurait apprécié avoir un camarade de classe comme lui plutôt que tous ces arriérés qui avaient fait de son cursus scolaire un véritable enfer. Pour sûr qu’il l’aurait bien davantage apprécié et qu’il aurait peut être poussé jusqu’à l’université publique. Qui sait ? Les Etats-Unis étaient peut-être passés à côté du prochain Neil Armstrong à cause d’une simple histoire de sous. Quelle pitié que son père n’ait jamais fait partie de la photographie familiale. Même si c’était un blaireau sans le sou, Flint aurait été ravi de le faire chanter et de partager avec lui la note abyssale de l’hôpital laissé par sa mère en héritage.

Tandis que les rythmes r’n’b résonnent, le trentenaire ondule de manière sensuelle, les yeux pétillants de malice avant de faire mine d’être choqué et de pousser en ricanant son partenaire de chant. “Hé ! Un peu de respect pour le sommet de la musique des années 90 s’il te plaît ! La meilleure période musicale.” Surtout après les horreurs présentées par les années 80. Se laissant bercer par cet élan de nostalgie, il se focalise entièrement sur la chanson, laissant ses cordes vocales s’exprimer et partageant un chouette moment avec son ami dont l’éducation musicale est totalement à refaire. Il n’échappera pas à un Spice up your life et un bon Céline Dion comme il se doit, non mais dit donc.

Mais alors qu’il insiste lourdement en chanson sur le fait que ce n’était pas lui qui s’était fait prendre en flag sur le sofa, un cri à glacer le sang retentit, couvrant fugacement la fin de la musique. Aussitôt Flint s’arrêta en plein milieu, échangeant un regard angoissé avec Chance. La musique était en totale inadéquation avec le sentiment de crainte qui s’installait chez le cerveau bouillonnant du réceptionniste, abreuvé de films policiers. “Euh… ils sont où ?” Non seulement les jeunes femmes éméchées avaient disparu, sans qu’il n’ait senti la porte s’ouvrir sur l’extérieur, mais le barman n’était plus là non plus.

6/2/2023, 21:15

Après un froncement de sourcils signifiant que non, Flint ne serait pas son client, parce qu'on ne fait pas payer les amis (ça peut couler un établissement, si on a trop d'amis ou qu'ils sont trop gourmands, mais le bon sens en matière de gérance de commerce n'était pas au programme de droit d Columbia) (ou alors il n'écoutait pas) le blond se concentre sur la chanson qu'il qualifierait de pas terrible, franchement pas un monument, mais le simple sourire de Flint en peint le plus vif des soleils sur ses propres lèvres. Il s'applique pour ne pas lui faire honte, découvre les paroles à mesure qu'il les répète, loin d'être aussi juste que sur un morceau qu'il maîtriserait. Mais ce qui compte ce sont les rires, les regards complices et les pas de danse un peu aléatoires. C'est juste la présence de l'autre et la franchise de leur amitié.

Et puis le cri, il sursaute, renverse la moitié de son verre sur sa manche, agite sa tête blonde de droite et de gauche à la recherche d'autres clients pour prouver qu'il n'a pas rêvé. Le seul qu'il reste, c'est Flint, et il a l'air aussi perdu. « Ils sont.. peut-être dans un fumoir derrière..? » Il propose, pas vraiment convaincu. Parce qu'il a très bien senti l'odeur de tabac imprégnée dans les murs, qu'il sait très bien que c'est le genre d'établissements où le patron (parlons-en) enchaîne ses clopes derrière son comptoir sans se soucier des poumons de sa clientèle. Les images s'enchaînent (très brèves) dans son crâne de chaque regard étrange du tenancier, et le blond en conclue que quelque chose cloche.
Que c'est le moment d'agir, même.

Il termine son cocktail d'une traite, saute de la petite estrade, repose son verre vide sur une table collante et rejoint le comptoir. « S'il y a un problème, on ferait mieux de regarder déjà ici avant d'aller voir derrière, » il propose, sûr de lui comme rarement. Si le type est armé, et même s'il ne l'est pas spécialement mais veut en découdre, un tout petit peu de jugeotte suffit pour savoir qu'il ne fera que deux bouchées des deux chanteurs. Et s'ils ont de la chance, c'est eux qui trouveront une arme. « C'est mieux pour savoir ce qui nous attend. C'est ce que j'ai fait pour savoir si le mec que je vois était un tueur en série, j'ai fouillé partout plutôt que le confronter, » il explique pour preuve, très malin et grand enquêteur, se glissant derrière le bar.

18/2/2023, 17:39

On reproche souvent à Flint d’être totalement déconnecté de la réalité et de se faire des films de trois fois rien, d’être abreuvé de mauvais films de série B ou de true crime qu’il ingurgite sur netflix avec la rapidité d’un mangeur de saucisse en Bavière. Mais, le fait d’imaginer les pires scénarios lui a permis d’échapper à nombre de scénarios cocasses et surtout de se déconnecter quand tout allait particulièrement de travers. Ce soir ne serait pas une exception alors que déjà en suite de cet unique cri qui aurait pu faire partie de la bande son du karaoké s’il avait choisi un titre de Marilyn Manson, il se faisait des films. Il ouvrit les yeux ronds comme des soucoupes, laissant Shaggy terminer seul son cinéma auprès de sa dulcinée, chantant par mon et par vaux qu’il n’avait pas trompé avec toute la clientèle du Viper Room. Il fronça légèrement les sourcils, grommelant d’un acquiescement particulièrement dubitatif à la proposition de Chance. Un fumoir ? Pourquoi pas même si ça faisait très 19e siècle ou membre du triple K. Ni l’un, ni l’autre ne le branchait plus que ça. S’ils étaient retournés en arrière dans le temps, il devrait adopter des rouflaquettes et il n’était pas sûr que cela irait harmonieusement avec son visage. S’ils étaient tombé dans un repaire de fachos, il avait la nausée rien que d’y penser et il connaissait déjà les rumeurs qui coureraient sur lui quand la populace l’apprendrait. “Ou alors…” Vite une meilleure hypothèse. Une ampoule qui s’allume au dessus de la tête. Il baissa la voix pour formuler sa supposition : “Ou alors, ils font du trafic de blanches.” Sa voix s’accéléra sous la panique alors qu’il attrapait le bras de son ami. “Et ils vont découvrir qu’on sait. Et ils vont nous enlever aussi pour nous vendre sur le marché noir.” Il observa de bas en haut le jeune homme pour lequel il retirerait un bon petit paquet d’oseille. “On va terminer en esclaves sexuels en Europe de l’Est et si on est pas sage, on sera découpé en petits morceaux puis jetés aux poissons.” Il déglutit. “J’ai vu un truc sur ça.” La série policière Graceland avec le beau Aaron Tveit.

Instinctivement, il aurait bien chuchoter à Chance de se faire la malle mais la soirée se révélant cependant pleine de surprise, il observe la bouche grande ouverte ce dernier faire preuve d’une volonté et d’un courage sans pareils. Est-ce du courage ou de l’inconscience ? Toujours est-il que loin de jouer l’adulte de la situation, Flint suit ce dernier et l’écoute religieusement, approchant à pas de loups du bar et de la porte du fond qui semble dissimuler quelques activités douteuses. Continuant de s’imaginer les pires scénarios, s’attendant presque à voir débouler Samara des toilettes, il se fige cependant aux paroles de Chance, le déconnectant effectivement de l’angoissante réalité. “Le mec que tu vois ?” Un large sourire se dessine sur ses lèvres alors que ses yeux brillent de fierté et peut-être de jalousie. “Tu vois quelqu’un ? Je le connais ? C’est pas un tueur en série du coup ?” l’interroge-t-il en le suivant derrière le bar, les relations amoureuses de Chance l’intéressant soudainement plus que de savoir s’ils étaient tombés dans la vitrine de la mafia albanaise des cochons d’inde.